Méditation du 29 avril 2020
2 Co 8,12-15
12 Quand l'intention est vraiment bonne, on est bien reçu avec ce que l'on a, peu importe ce que l'on n'a pas ! 13 Il ne s'agit pas de vous mettre dans la gêne en soulageant les autres, mais d'établir l'égalité. 14 En cette occasion, ce que vous avez en trop compensera ce qu'ils ont en moins, pour qu'un jour ce qu'ils auront en trop compense ce que vous aurez en moins: cela fera l'égalité 15 comme il est écrit : Qui avait beaucoup recueilli n'a rien eu de trop, qui avait peu recueilli n'a manqué de rien.
Vivre, recevoir et donner
Dans les années 47- 49 Ap JC un grand conflit anime l’église primitive, laquelle regroupe à Jérusalem et hors de Jérusalem, deux grands groupes: les chrétiens qui viennent du monde juif, et ceux qui viennent du monde des gentils, encore appelé païens. C’est d’une identification basée sur l’appartenance et le statut, comme on en distingue aujourd’hui : noir/blanc ; riche/pauvre ; Nord/Sud etc. Le conflit dont on a des traces dans Ac 15 et Ga 2 et qui anime ces deux pôles du christianisme s’articule autour de la question du salut, ou de l’appartenance au Christ que certains veulent lier à une identité: faut-il devenir juif pour être chrétien? Pour certains, si on n’est pas né juif, il faut le devenir en subissant les rites comme la circoncision et respecter les règles alimentaires (cacherout). Bref adopter la Loi et les coutumes juives pour s’intégrer au cercle d’Israël.
A cette époque-là, les chrétiens/prophètes de Syrie à Antioche (cette partie qui regorge en majorité des chrétiens issus du monde des gentils), annoncent une grande famine qui s’étendra dans tout l’empire romain. La partie de l’empire la plus touchée était Jérusalem, où on retrouvait en majorité des chrétiens juifs. Les chrétiens de Syrie, qui étaient avertis organisèrent des cotisations que Paul et d’autres chrétiens portèrent à Jérusalem. C’était des dons, et non des prêts; ce n’était pas de l’aide aux indigents, mais c’était une obéissance à la parole de Dieu, une soumission à Dieu lui-même et surtout un rétablissement de l’égalité.
Ce geste spontané de solidarité qui déborde les frontières, est ainsi organisé dans une Eglise où le conflit sur les conditions au salut s’est soldé par un accord selon lequel le païen n’a pas besoin de devenir juif pour être sauvé: Dieu rencontre chacun dans ce qu’il est fondamentalement. Pour l’apôtre des Gentils et les autres, le débat sur l’appartenance est un non-sens lorsque la vie est menacée. La volonté de Dieu en tout temps, comme en situation de crise, c’est de s’occuper urgemment de ceux qui sont mal en point, c’est de rétablir la dignité humaine.
Pendant des moments de difficulté et de souffrance, la solidarité est une urgence qui vise l’égalité : il ne s’agit pas de pitié, il ne s’agit pas de manifester sa puissance par rapport au faible qui fait pitié, mais d’établir l’égalité, la légitimité et la dignité de son autre soi-même.
Donner, c’est rétablir l’égalité devant Dieu, et les collectes ou les dons ne dépouillent pas les donateurs, parce qu’ils engagent les grâces reçues de Dieu: Dans le cas présent, votre superflu pourvoit à leur dénuement, pour que leur superflu pourvoie aussi à votre dénuement (2Co 8, 14). Tout est grâce et don de Dieu: la richesse dignement gagnée est une grâce de Dieu, et elle doit servir à rétablir l’égalité. Dans l’exode, il est dit au sujet de la manne que celui qui avait beaucoup recueilli n’en avait pas trop, et celui qui avait peu recueilli en avait assez : chacun avait recueilli ce qu’il pouvait manger (Ex 16, 18).
Le superflu des uns et des autres n’est donc pas fondamentalement le fruit des mérites, mais de la générosité de Dieu. Comme la manne, le superflu qui n’est pas réparti dans ce sens s’auto détruit: lequel des humains emporte avec lui l’argent et les bien accumulés au cours de sa vie? Il y en a qui partent soudainement, sans avoir même eu le temps de penser à leur devenir après.
J’apprends en ce contexte de Covid 19 que dans plusieurs pays, on est enterré au lendemain de son décès, dans la ville de son décès même si auparavant on s’est construit une tombe monumentale ailleurs. Il y a aussi ce constat cinglant que l’on fait en tout temps, personne n’emporte ses richesses: à quoi sert donc l’accumulation des biens si elle n’est pas au service du rétablissement de l’égalité?
PRIERE
Seigneur libère-moi, donne-moi la liberté de recevoir lorsque je suis en manque, et la liberté de donner lorsque j’ai un peu plus, car tout t’appartient. Par Jésus-Christ, qui a donné jusqu’à sa vie. Amen.
Pasteure Priscille Djomhoué